La matière organique dans les sols : un remède au changement climatique

03/06/2022 | Déchets verts Matière organique Point de vue Sol
Benoit Le Baube

J’avais déjà entendu cette donnée et j’avais commencé par ne pas la croire. Il suffirait d’augmenter juste un peu le taux de matière organique dans les sols agricoles mondiaux pour revenir à un niveau de C02 suffisamment acceptable dans l’atmosphère pour annuler le changement climatique.

Cette donnée, je l’ai pour la première fois entendue de la bouche de Warren Brush, un permaculteur californien, lors d’un cours de conception en permaculture. Mais je suis ressortie de cette quinzaine de stage tellement secouée par la somme des solutions honteusement simples qu’il était possible de mettre en œuvre pour faire face avec efficacité aux enjeux de notre monde, que ce fait particulier était passé en arrière plan de ma conscience.
Avançant ensuite plus avant sur le chemin de la transition, et en comprenant que le secteur agricole concentrait beaucoup des enjeux autour de la ressource en eau, de l’émancipation des groupes humains, de la biodiversité et du changement climatique (l’agriculture est le deuxième poste d’émission de gaz à effet de serre dans le monde, après les transports), j’ai entendu cet intitulé barbare, le « quatre pour mille ». Je ne l’ai pas entendu de la bouche du plus engagé des militants altermondialistes en lutte, mais de notre ancien ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll. Quatre pour mille, c’est-à-dire 0,4 %, c’est l’augmentation annuelle du pourcentage de matière organique qu’il faudrait dans les sols agricoles mondiaux pour capter suffisamment de carbone pour gommer à terme le changement climatique. Le ministère de l’agriculture en a même fait une petite vidéo explicative « comprendre le quatre pour mille en 3 minutes ».

C’est lorsque Benoît Le Baube, de la Ferme de Cagnolle, a témoigné lors de la rencontre régionale RCCNA du 20 mai 2022 que cette donnée m’a frappée de nouveau. Les chiffres qui illustrent ses pratiques agricoles en matière de stockage du carbone sur sa ferme sont tout simplement impressionnants.
Concrètement on parle de quels ordres de grandeur ?
Le taux de matière organique que contient un sol en bonne santé est très variable selon sa nature, mais se situe en général entre 2 % et 6 %.
Aujourd’hui, les sols de l’agriculture industrielle contiennent en général autour de 1 % de matière organique, les pratiques agricoles intensives faisant perdre de la matière organique au sol (et donc du carbone !)
Un agriculteur qui met en place des bonnes pratiques sur ses terres (semis direct, non labour, etc) peut parvenir à augmenter le taux de matière organique de ses sols de 0,4% par an. En général, en grandes cultures mécanisées, cela consiste à planter des cultures intermédiaires destinées à être broyées sur place : la matière organique qu’on souhaite incorporer dans le sol n’est pas importée mais pousse directement dans le champ.
A la Ferme de Cagnolle, en épandant de la matière organique fraîche (des déchets verts broyés issus de la déchèterie) sur ses espaces de culture, Benoît Le Baube est passé en 10 ans de moins de 2 % de matière organique dans son sol à plus de 8 %, c’est-à-dire en moyenne une augmentation de 0,6 % par an.


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Au regard de ces chiffres, augmenter en moyenne le taux de matière organique des sols de 0,4 % semble accessible, pour peu qu’on s’en donne les moyens. En faisant évoluer ses pratiques dans ce sens, le monde agricole a, par ailleurs, tout à gagner à l’augmentation de la matière organique dans les sols : des plantes en meilleure santé, globalement plus productives avec moins d’intrants, du fait notamment d’une meilleure rétention de l’eau dans les sols.

Une solution à la portée de l’humanité ici et maintenant.
Si on veut y arriver, il faut diffuser ce message largement, très largement. En fait, il faudrait sortir dans la rue pour prêcher. Enfiler une toge d’une couleur très voyante, s’installer sur un endroit bien en vue et surtout très passant. Se munir d’une cloche ou de n’importe quelle percussion qui permette de capter l’attention, prendre une grande bouffée d’air pour faire porter loin la voix et démarrer par “On ne va peut-être pas tous mourir ! Nous pouvons être sauvés par la matière organique !”

Plus d'infos sur l'initiative 4 pour 1000 : https://4p1000.org/
Visionnez le documentaire "Une ferme sur sol vivant" de Romain Baudry

Aurélie Monchany